
Alexandre Regeffe a créé avec un groupe d’amis le premier flipper en réalité virtuelle.
Crédits photos : Flipper VR
Dans le monde du gaming en réalité virtuelle, tout a été fait… ou presque ! En 2019, des copains ont le rêve fou de créer un flipper avec de la VR. Six ans après, leur rêve est devenu réalité et leur flipper numérique made in France est maintenant commercialisé. Nous nous sommes entretenus avec Alexandre Regeffe, co-fondateur de Flipper VR, qui nous a parlé de la création, du développement et de l’avenir de sa société. Il sera d’ailleurs présent au salon Laval Virtual du 9 au 11 avril 2025.
Pouvez-vous me parler de votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a amené jusqu’à la réalité virtuelle ?
Personnellement, je suis issu du milieu de la télévision et de l’audiovisuel, dans lequel j’ai travaillé pendant 25 ans. Puis en 2015, on m’a sollicité pour un concert que j’ai capté en 360. C’est à partir de ce moment-là que j’ai mis le pied dans la réalité virtuelle. J’ai créé une société de production de contenu, pour faire du contenu 360 pour les plateformes, notamment pour ARTE 360. À l’époque, des plateformes comme Facebook et Google étaient demandeuses de contenus 360 car elles avaient intégré la possibilité de lire des films immersifs. J’ai continué cette activité jusqu’en 2018 où ce fut la fin de la hype autour de la vidéo 360. Beaucoup se sont détournés de ce format pour des raisons techniques, donc les demandes ont chuté et j’ai cessé mon activité pour me lancer dans de la prestation technique.
L’évolution rapide du secteur immersif vous oblige un peu à avoir plusieurs cordes à votre arc.
Oui, en effet. Je fais donc de la prestation technique via ma société Rshift, notamment du tournage et de la post-production de films immersifs. À côté de ça, je suis également rédacteur pour des magazines spécialisés pour lesquels j’écris des articles sur la réalité virtuelle, et notamment chaque année un compte-rendu du salon Laval Virtual. Je fais aussi de la formation en partenariat avec l’INA et je suis réalisateur d’expériences immersives. Notre expérience « Le Haut Feu » a reçu le coup de cœur du jury l’année dernière à Laval Virtual. Enfin, la dernière corde à mon arc c’est Flipper VR.
Quelques mots sur cette aventure Flipper VR. Comment ce projet est-il né ?
Flipper VR, c’est d’abord une histoire de copains. En 2019, au salon du Bourget, lors d’une discussion avec des amis qui sont aussi producteurs d’expériences en réalité virtuelle via leur agence Otidea basée à Tarbes, nous avons échangé sur des idées et des envies de réaliser un jeu.
Ensemble, nous avons pioché dans nos souvenirs de jeunesse et nous avons trouvé l’idée du flipper, qui est pour nous un jeu iconique des années 80-90 et qui évoquait des souvenirs forts de notre adolescence. Donc on a eu envie de créer un flipper 2.0 en intégrant de la réalité virtuelle. Au bout de 6 mois, nous avons présenté notre premier prototype lors d’un salon à Paris. En 2020, le Covid nous a freiné mais nous a aussi permis de parfaire le développement de notre jeu. En 2023, nous avons mis notre flipper numérique sur le marché.
Comment on joue à un flipper en réalité virtuelle ?
Notre flipper numérique ressemble à un flipper traditionnel de l’extérieur, seulement il y a un PC à l’intérieur. Le plateau de jeu, c’est-à-dire la partie mécanique, est remplacé par un écran. Le joueur enfile un casque de réalité virtuelle et est transporté dans un environnement virtuel et se trouve face au jumeau numérique du flipper physique. Il y a une synchronisation entre les deux versions. Le joueur utilise les commandes du flipper classique, à savoir les boutons sur chaque côté, sauf qu’il joue dans un monde virtuel. Cela permet d’avoir des possibilités de gameplay infinies ! Ce flipper est né un peu d’une blague mais surtout d’un brin de nostalgie. Aujourd’hui nous sommes fiers de cet aboutissement, car on a réussi à développer une machine fonctionnelle et qui est disponible à la vente.
À qui vous adressez-vous avec ce flipper VR ?
Les particuliers s’intéressent beaucoup à notre flipper du futur. Car on ne croirait pas comme ça, mais c’est un marché très actif ! Dans les années 90, les flippers envahissaient les bars. Aujourd’hui, le marché s’est déplacé chez les particuliers. Si bien que 95% des clients sont des particuliers qui achètent des flippers pour les installer chez eux. Donc notre flipper VR peut séduire ces collectionneurs, qui ont la possibilité d’avoir plusieurs machines en une seule.
En plus, c’est une expérience très accessible pour le grand public. Contrairement à d’autres expériences VR, il n’y a pas besoin d’explications. Quand je mets le casque sur la tête de la personne, elle comprend le fonctionnement instinctivement. Mais on a aussi l’ambition de remettre le flipper en exploitation, c’est-à-dire dans les salles de jeux. On a par exemple mis un flipper à l’essai chez DreamAway à Paris. Et nous avons une troisième clientèle qui est plus orientée BtoB.
De quelle manière les professionnels peuvent-ils exploiter le potentiel de votre flipper VR ?
Une de nos spécialités c’est de pouvoir personnaliser nos flippers, que ce soit la machine physique ou l’environnement virtuel. Ainsi, en mettant le casque, le joueur peut se trouver dans l’usine d’un industriel ou au défilé de mode d’une marque. Nous pouvons aussi personnaliser le jeu en lui-même pour représenter l’univers d’une marque. Nous avons de plus en plus de demandes de ce genre, notamment dans le secteur de l’événementiel. Car ramener un flipper en réalité virtuelle sur un événement, ça fait le buzz. Nous sommes à Laval Virtual cette année pour montrer aux entreprises le potentiel de notre flipper VR.
Votre flipper VR est fabriqué en France. C’est important pour vous de valoriser le “Made in France” dans ce secteur ?
Notre flipper est de conception 100% française. Nous fabriquons la caisse extérieure dans nos ateliers. Le développement du logiciel à l’intérieur est aussi made in France. Et nous utilisons notre propre moteur de jeu qui s’appelle Flipper VR Engine. C’est un aspect important pour nous. Notre but n’est d’ailleurs pas forcément de s’industrialiser mais de continuer à valoriser un artisanat de qualité et local. Le Made in France nous permet avant tout de répondre de manière agile aux demandes de nos clients français, notamment sur le volet personnalisation. Je pense que cela nous démarque des autres entreprises dans ce secteur, qui sont principalement américaines.
En parlant des États-Unis, il est vrai qu’ils sont avec l’Asie leaders du marché de la fabrication de matériel VR. Pensez-vous que la France peut trouver sa place et être compétitive ?
Selon moi, c’est une problématique politique. Les compétences existent en France et plus largement en Europe. Je pense notamment à une marque comme Lynx, qui a créé un casque de réalité mixte français. Malheureusement, les fabricants manquent de financement. Ils sont obligés de se diriger vers les Etats-Unis ou l’Asie pour se développer. Le fondateur de Lynx, Stan Larroque, a d’ailleurs écrit une lettre ouverte sur ce sujet. En France, il faudrait que nous puissions bénéficier d’investissements à la hauteur de l’ambition nationale, ce qui est encore trop rarement le cas dans l’immersif. C’est dommage car la capacité intellectuelle est là.
En tous les cas, on a hâte de découvrir et d’essayer ce flipper VR à Laval Virtual !
Oui, c’est important de venir essayer. Il faut tester notre flipper pour vraiment se rendre compte et apprécier l’expérience. Généralement, quand on met le casque sur la tête des joueurs, ils sont agréablement surpris. Nous apportons deux flippers à Laval Virtual et tout le monde est le bienvenu pour tenter de faire le meilleur score sur les trois jours.
Quel avenir se dessine pour Flipper VR ?
Notre prochain objectif c’est d’avancer sur la création de nouvelles tables et d’apporter encore des nouveautés, comme nous le faisons en connectant deux machines pour jouer en player versus player. C’est assez inédit de jouer à deux avec un flipper mais on veut encore plus innover ! C’est l’avantage du numérique, on peut tout faire. Nous avons aussi l’ambition de développer un écosystème, la Flipper VR Family, afin de créer un lien social entre les joueurs. Il y a d’ailleurs déjà des ligues de e-sport autour du flipper. Mes collaborateurs et moi-même avons une équipe et nous participons à des tournois professionnels qui comptent pour le classement international IFPA. Le développement de cette partie réseau social sera notre prochaine priorité.