« Mégalotopie » explore la notion de temps uchronique, spécifique à l'art numérique.
Crédits photos : Karleen Groupierre
L’artiste française Karleen Groupierre a créé « Mégalotopie », une œuvre qui appelle à la réflexion sur soi et sur les autres. Pendant cette expérience interactive, le participant est à la fois spectateur et acteur de l’installation. « Mégalotopie » fait partie de la sélection de la 7ème édition du festival d’art numérique Recto VRso, qui a lieu du 11 au 14 avril 2024.
De l’observation à l’interaction
Dans cette installation interactive, le participant se place devant un écran entouré d’un cadre doré. Face à lui, est projeté un court-métrage de 7 minutes, avec des personnes qui sont elles-mêmes face à un cadre. Très vite, on comprend que le participant de l’expérience est filmé, et son image est projetée dans le cadre que les personnages du court-métrage regardent. À partir de là, une mise en abîme se crée, poussant à une réflexion sur la perception de soi.
Le participant est face à sa propre image augmentée, et devient l’objet de l’attention de ces personnes issues d’un court-métrage. Celui-ci a été réalisé à partir de scènes de séries et de films, réécrites pour l’occasion de manière caricaturale, où les personnages critiquent des œuvres d’art picturales. En résultent des dialogues absurdes et des réactions exagérées.
Le court-métrage a été conçu pour monter en crescendo, jusqu’à ce que les personnages soient dans une certaine transe. Mais cette extase en devient absurde, questionnant le regard critique que l’on porte et que l’on pose sur tout et chacun, dont soi-même. Le spectateur devient un regardeur regardé, un critiqueur critiqué. L’œuvre interroge sur notre besoin de reconnaissance auprès des autres et sur notre rapport au compliment. L’artiste pose la question : « Cette reconnaissance que nous cherchons auprès des autres, ne pourrions-nous pas déjà la trouver auprès de nous-mêmes ? ».
Naissance d’un troisième temps uchronique
Dans « Mégalotopie », deux temporalités coexistent. La première, celle du court-métrage filmé dans le passé. La deuxième est celle du spectateur qui se fait filmer en temps-réel, dans le présent. La dualité de ces deux temporalités en créent une troisième : celle de l’œuvre. L’artiste Karleen Groupierre parle alors de temps uchronique : « Ces trois temporalités se rejoignent, de sorte que Megalotopie, en tant qu’expérience, peut être vécue comme un temps uchronique. »
La notion d’uchronie remonte au XIXe siècle. Il s’agissait d’un genre qui consistait en une réécriture de l’Histoire en modifiant un élément du passé. Par exemple, que se serait-il passé si les Alliés avaient perdu la Seconde Guerre mondiale ? Le chercheur Edmond Couchot parle de « hors-temps ». Pour lui, c’est un nouveau temps propre au numérique, qui est une simulation ne renvoyant à aucune convention universelle du temps. Le temps numérique devient alors un temps sans temps, c’est-à-dire un temps intemporel.
Karleen Groupierre, en faisant coïncider plusieurs temporalités, modifie le rapport et la place du spectateur dans l’œuvre. « Mégalotopie », qui mélange un dispositif narratif innovant et les nouvelles technologies, sera exposée du 11 au 14 avril pendant le festival Recto VRso.