Crédits photos : Palais de Tokyo
De Laval à Vancouver, il n’y a qu’un pas. Un pas que Juan Le Parc a franchi en moins de deux ans. En 2018, lors de la première édition du festival Recto VRso, il expose son œuvre 7 Alchimies en VR. Un an plus tard, elle se retrouve à 8 000 km au Canada. Ce week-end, il a eu la chance d’installer son œuvre à l’occasion de l’exposition Recto VRso @Vancouver. Parcours d’un artiste pionnier qui vit l’évolution de l’art numérique au plus près.
Juan Le Parc connaît bien l’univers fantasque et infini de la réalité virtuelle. Et pour cause, il a plongé dedans étant petit sous l’influence de son père, Julio Le Parc. Julio est considéré comme le précurseur de l’art cinétique. Il s’intéresse notamment aux mouvements et à la lumière. Tel un héritage, Juan transforme les tableaux de son père en utilisant les technologies du numérique. 7 Alchimies en VR reprend le travail de Julio, créant ainsi une œuvre au-delà de l’art contemporain que l’on connaît.
De l’art classique à l’art numérique
Et pour cause, l’art numérique est en train de dépasser l’art contemporain, se tissant un chemin au milieu des courants artistiques célèbres. Juan voit l’art virtuel comme un véritable changement de modèle. Ce n’est pas seulement une nouvelle tendance artistique qui émerge. Tout change ; le statut de l’oeuvre, de l’artiste et même de l’exposition. “C’est excitant d’être acteur de ce changement, de créer ces grammaires, ces nouveaux langages, ces nouveaux vocabulaires”. En tant qu’artiste, Juan se confronte à un bouleversement de la création de l’oeuvre et sa diffusion.
7 Alchimies en VR témoigne de ce changement de paradigme. Juan décompose 7 tableaux peints par son père, en un cheminement virtuel de 7 niveaux. Le spectateur plonge dans un univers de formes créées à partir d’une multitude de petits points revêtus des 14 couleurs du prisme newtonien. Comme son père, Juan travaille avec la lumière, les mouvements, pour créer une sensation optique. Désormais, la réalité virtuelle lui permet d’imaginer une œuvre nouvelle, transformée. Le spectateur se retrouve absorbé par l’œuvre, passant d’un tableau à l’autre, d’une réalité à une autre. Il choisit alors son point de vue, construit son expérience.
“Une multitude de niveaux, de réalités”
Le statut même de l’œuvre est remis en question. “On change l’objet contre l’expérience”. Les mots de Juan résonnent alors comme une évidence. Il ne s’agit plus seulement de contempler un tableau, mais d’interagir avec lui, de construire une expérience autour de lui, de le vivre. Chaque utilisateur crée sa propre réalité. L’œuvre d’art n’est plus unique, il s’en crée plusieurs versions, par l’immersion, par l’interaction. Plusieurs réalités naissent, plusieurs niveaux s’élèvent, plusieurs perspectives émergent. L’œuvre d’art devient ainsi multiple. Une multiplication de son sens, de son interprétation, mais aussi de sa forme et sa linéarité.
Tout cela amène à une mutation du système de diffusion de ces œuvres. Le concept même d’exposition tel qu’on l’entend aujourd’hui tend à disparaître. Car l’œuvre numérique est une œuvre dématérialisée. Sa présentation au public est différente. Elle n’est pas systématiquement physique. Des catalogues d’œuvres d’art numériques en ligne se mettent à éclore. Ainsi, l’œuvre devient partagée par et pour tous. Juan est convaincu que la réalité virtuelle va devenir “un poids lourd de l’art et la création dans les prochaines années”.
Les œuvres de Juan Le Parc interrogent la notion d’immersion et d’incarnation. Avec la réalité virtuelle, tout le corps du spectateur est impliqué. Dans cet environnement virtuel, on retrouve toute l’amplitude du corps humain. L’artiste soulève aussi des questions autour de la perception. Comment le cerveau réagit-il lorsqu’un utilisateur est plongé dans une expérience immersive ? Comment valide-t-il cette nouvelle réalité qui se crée autour de lui ? C’est là que les bénéfices de la réalité virtuelle prennent sens dans le milieu thérapeutique. Comme dans l’art, l’utilisateur, ici le patient, se plonge dans un environnement virtuel, et oublie son ancienne réalité, celle où la douleur l’éprouve et le paralyse. Dans l’art comme dans la santé, deux univers s’éveillent pour imaginer de nouvelles possibilités.