Le 18 mai, des experts ont échangé sur les usages de la data dans la réalité virtuelle.
Crédits photos : Grégory Maubon (Twitter)
Le mardi 18 mai, des experts de la réalité virtuelle étaient rassemblés dans le Laval Virtual World pour parler data et sécurité. Les Laval Virtual Days : XR Data ont remis la question de la protection des données sur la table. Comment nos données personnelles sont-elles utilisées ? Quelle est la régulation en vigueur ? Qu’est-ce que les entreprises ont droit de faire et de ne pas faire ?
Protection, sécurité, régulations : les enjeux du bon usage de la data
En quoi la réalité virtuelle a-t-elle tout bouleversé ?
Avec le développement de la réalité virtuelle, des technologies et des appareils de pointe arrivent massivement sur le marché. Toujours en quête d’expériences plus immersives et personnalisables, les créateurs XR imaginent des outils toujours plus performants. Mais cette recherche de la personnalisation amène inévitablement à la collecte de données. Comment et pourquoi ?
Les casques et matériels de réalité virtuelle ont changé la donne en matière de data. Ce basculement réside en la “sensibilité des informations collectées” pendant une expérience immersive : géolocalisation et les données biométriques, comme l’explique Solène Gérardin, avocate de la protection des données chez BOLD. Les technologies immersives se servent aussi beaucoup des expressions faciales pour faire fonctionner leurs appareils. Or, toutes ces informations sont considérées comme des données personnelles, et renvoient directement à la vie privée de l’utilisateur.
La régulation de protection des données en vigueur en Europe
Avec la multiplication des acteurs qui collectent les données, il en va de la sécurité et de la réassurance des utilisateurs. En Europe, l’utilisation des données personnelles est régulée par le RGPD :
règlement général sur la protection des données. Avant son adoption par le Parlement Européen en 2016, “chaque pays définissait ses propres lois en matière de protection de données“, rappelle Solène Gérardin. L’un des objectifs du RGPD était de supprimer toutes ces spécificités nationales et d’harmoniser la régulation.
L’article essentiel du RGPD c’est l’Article 25 qui parle du “privacy by default“. C’est un principe selon lequel “quand on développe une nouvelle solution, il faut toujours y intégrer les principes de protection des données. Ils doivent automatiquement s’appliquer sans avoir à demander à l’utilisateur“, explique Solène Gérardin. Concernant la réalité virtuelle et notamment les données biométriques, “il est interdit de les traiter et les transférer, sauf si l’on demande le consentement de l’utilisateur“.
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’utilisateur doit être au centre des préoccupations en matière de protection de données. Philippe Coval, Ingénieur OpenSource, l’a rappelé pendant sa présentation : il faut privilégier la transparence et la visibilité, respecter la vie privée de l’utilisateur et se concentrer sur lui avant tout.
La data : nouvel eldorado pour les créateurs XR ?
Une nouvelle manière de faire de la publicité
Mais alors, avec toutes ces régulations, comment parvenir à une utilisation pertinente de la data ? Samuel Huber tente de répondre à cette question brûlante. Trois auparavant, il a fondé sa société Admix dont le but est de créer un nouveau modèle économique dans le métavers. Son approche est de faire de la publicité dans les mondes virtuels et notamment dans les environnements de jeux vidéos.
Les annonceurs doivent se confronter à une nouvelle façon de faire de la publicité digitale. Les annonces et leur pertinence dépendent directement des données récoltées auprès des utilisateurs. Sans cette data, il est difficile de viser la bonne audience. Sur le web, les annonceurs sont capables de tracker un utilisateur à travers toutes les plateformes et sites qu’ils fréquentent. Récemment, les utilisateurs ont la possibilité de personnaliser voire refuser les cookies.
Côté mobile, Apple complètement bouleversé les usages des annonceurs. En 2020, ils ont annoncé une modification de l’IDFA : c’est la “norme adoptée par Apple permettant aux réseaux publicitaires mobiles de suivre des utilisateurs et de leur diffuser des publicités ciblées“. Désormais, l’utilisateur doit donner son accord explicite pour que l’annonceur le suive et récolte des données sur son comportement.
Le web et le mobile deviennent des environnements difficiles à aborder, à cause du durcissement des régulation. Où trouver une nouvelle source pour diffuser les publicités de manière pertinente ? “Les jeux-vidéos sont un nouveau canal médiatique“, explique Samuel Huber. Environ 2 milliards de personnes jouent tous les jours. “Il existe de nouveaux signaux que les annonceurs peuvent recueillir sur l’engagement des utilisateurs sans connaître les données personnelles du joueur.” C’est donc une nouvelle source de revenu qui s’offre aux annonceurs mais également aux créateurs XR.
Concevoir de meilleures expériences VR grâce à la data
Au-delà des publicités, les données sont une mine d’or pour les créateurs et fournisseurs de solutions XR. En captant les données biométriques notamment, les expériences de réalité virtuelle peuvent être davantage immersives et personnalisables. Aujourd’hui, certains casques VR traitent les données de l’utilisateur en temps-réel. C’est le cas du HP Reverb G2 qui capte la fréquence cardiaque, le regard des yeux et les mouvements du visage.
Cécile Tezenas du Montcel, VR Lead Europe chez HP, a expliqué comment certaines données sont d’excellents indicateurs lors d’une expérience immersive. C’est notamment le cas de la charge cognitive : il s’agit de la quantité d’efforts mentaux qu’on doit fournir pour effectuer une tâche ou apprendre quelque chose. “Il existe un lien entre la charge cognitive et la performance ou le niveau d’expertise.” Ces données sont très intéressantes pour mesurer l’engagement de l’utilisateur, la capacité cérébrale et la compréhension du contenu.
L’un des meilleurs secteurs pour mettre à profit cette collecte de données relatives à la charge cognitive, c’est la formation. Par exemple, lors d’une formation de soft skills (conduire une interview, parler en public, se familiariser avec les spécificités d’une culture), on peut utiliser le casque VR pour mesurer le progrès des apprenants. Lors d’exercices d’entrainement à hauts risques (pour les militaires, pompiers, policiers…), l’apprenant peut avoir accès à des informations en temps réel. Par exemple, sa fréquence cardiaque s’affiche sur l’écran : “cela aide à essayer de se calmer et à gérer son stress.“
En conclusion, Cécile Tezenas du Montcel considère que “la data constitue le futur de la réalité virtuelle“. Les données seront la prochaine grande évolution dans le monde de la VR. L’industrie XR représente d’une part un environnement potentiel pour les annonceurs qui ont besoin de données comportementales. D’autre part, la collecte de data pendant une expérience de réalité virtuelle permet d’avoir de meilleurs résultats et analyses.