Crédits photos : Judith Guez
Les 28 et 29 septembre, le festival Recto VRso s’installe à Vancouver. Le temps d’un week-end, des artistes connus de l’art numérique exposeront leur œuvre. Parmi eux, cinq sont déjà passés par Laval (en Mayenne, France). Leur présence au Canada permet de faire briller ce festival qui a lieu depuis deux ans en amont du salon Laval Virtual. Présentation de ces artistes et des œuvres étonnantes et bouleversantes qui seront présentes.
Plonger à l’intérieur de tableaux
Dans l’art, la réalité virtuelle permet de dépasser les limites de l’espace. Beaucoup d’œuvres numériques explorent cet infini en proposant au spectateur de plonger à l’intérieur d’un tableau. C’est le cas par exemple de 7 Alchimies en VR, fruit d’une collaboration entre un père et son fils, Julio et Juan Le Parc. Elle est la représentation digitale d’une série de sept tableaux peints par Julio. Le casque de réalité virtuelle transporte le spectateur dans un nuage de points avec les 14 couleurs du spectre newtonien. Un voyage virtuel autant déstabilisant que passionnant qui fait naître une interaction entre l’œuvre et le public. Cette interaction et cette plongée se poursuivent dans d’autres œuvres. Parmi elles, Numerica, imaginée par l’artiste-chercheur Julien Lomet. C’est une double-oeuvre : à la fois une photographie reprenant les codes picturaux de la nature morte, et un environnement virtuel. Le spectateur est invité à entrer dans l’univers de la toile et à composer lui-même son expérience virtuelle.
Un plongeon que l’on peut également faire avec l’expérience Le Cri VR qui déconstruit l’œuvre expressionniste d’Edward Munch. En revêtant le casque, le spectateur se retrouve seul dans un musée, en tête-à-tête avec le tableau, depuis lequel s’extirpent démons et fantômes. Avec la toile comme point de départ, l’expérience invite aussi à découvrir les obsessions et le parcours du peintre. L’œuvre sur Claude Monet, L’obsession des Nymphéas propose aussi de traverser la vie du peintre. À travers les lieux qui l’ont inspiré, cette expérience propose un parcours contemplatif ponctué d’une lecture de la correspondance de l’artiste avec Georges Clémenceau.
Ces quatre œuvres questionnent le rôle du spectateur en l’invitant à devenir acteur de sa propre expérience. Elle pousse aussi la simple contemplation plus loin, en permettant de découvrir les tableaux d’une façon différente, en intégrant leur univers. Dans cet environnement virtuel, le spectateur est alors amené à toucher, ressentir, interagir avec chaque élément pour créer et construire son expérience artistique.
Des interactions multipliées
Avec la réalité virtuelle, le rapprochement avec l’œuvre est beaucoup plus systématique. Le spectateur est parfois même amené à interagir avec elle, que ce soit par le toucher ou par la pensée. Ainsi, Levitation immerge le spectateur dans un espace virtuel où il a la capacité de faire léviter des éléments. Grâce à des capteurs qui détectent les ondes cérébrales, l’utilisateur tente pendant 10 minutes un exercice d’équilibre en utilisant sa concentration. C’est un dispositif expérimental artistique unique que proposent David Guez et Bastien Didier. Les deux artistes ont exposé cette année à l’Art&VR Gallery de Recto VRso, tout comme Margherita Bergamo qui, avec Daniel González, propose à Vancouver une œuvre autour de la danse.
Eve, dance is an unplaceable place est une double-performance à la fois dans le casque VR et pour les spectateurs. Elle questionne le sujet de l’empathie et de l’incarnation dans le corps d’un autre. Ce spectacle multi-sensoriel a conquis les visiteurs et le jury lors de la dernière édition du Laval Virtual et a été récompensé d’un award. Ces deux œuvres phares de la deuxième édition du festival Recto VRso replacent le spectateur au cœur du processus artistique. Elles l’invitent à explorer chaque œuvre, la déconstruire, la composer pour lui donner sens.
Ces interactions créées entre l’utilisateur et l’expérience étaient déjà visibles lors du premier Recto VRso en 2018. Cette année, Vincent Meyrueis, chercheur et maître de conférences, proposait Papillon 2.0. Enfermé dans une cage, un papillon artificiel déambule au rythme des mouvements du public. Il est capable de réagir à son environnement et interagit avec du contenu virtuel projeté sur la surface autour de sa cage. Ces trois œuvres amènent à une approche artistique différente et transforme le regard du spectateur. L’expression “toucher avec les yeux” n’a jamais eu autant de sens.
La Colombie Britannique mise à l’honneur
En plus de ces sept œuvres issues du festival Recto VRso, l’exposition de Vancouver ouvrira notre esprit sur d’autres horizons. Dans le cadre d’un partenariat entre le Centre for Digital Media et Emily Carr University, un espace mettra en lumière des créations d’artistes de Colombie Britannique. Le BC Lab expose 3 projets de réalité virtuelle pour valoriser les recherches réalisées dans le domaine des techniques immersives dans cette province canadienne.
Robin Stethem et Colin Northway propose tout d’abord de nous transporter dans un voyage expérientiel. Leur Museum of other realities guide le spectateur à travers plusieurs œuvres artistiques de réalité virtuelle. Une escapade interactive pour découvrir les nouveaux médias dans le monde entier. Avec ce projet, les deux fondateurs veulent soutenir les artistes et rendre accessible toutes les innovations qui mêlent audacieusement art et réalité virtuelle.
Gabriel Reis, développeur, et Keira Xu, designer, présentent à leur tour une installation de réalité virtuelle qui explore une nouvelle approche pour la mémorisation des caractères chinois. Peinture traditionnelle à l’encre de Chine et outils modernes s’unissent pour faire naître un monde peuplé de petits personnages qui s’animent sous les doigts du spectateur. Divine Paper est une œuvre qui approfondit la notion d’apprentissage immersif.
La dernière oeuvre, Self Suspense Ion, interroge l’espace et le temps, et invite à questionner notre perception de la réalité. La technologie appelle à se détacher de notre réalité dite “projetée” et s’immerger dans le présent. Adam Peregovits et Kavya Satyakumar explorent l’interaction, le dialogue entre l’art et le design, qui peuvent mener à se poser des questions autour de l’impact de la technologie sur la société.
Ces 10 œuvres sont là pour montrer les possibilités infinies qui lient l’art et les techniques immersives. L’exposition Recto VRso @Vancouver cherche aussi à construire un dialogue entre artistes, chercheurs et professionnels de France et de Colombie-Britannique. Pour ouvrir des portes sur de nouveaux moyens d’expression.