La réalité virtuelle s'invite dans la sexualité et questionne notre rapport au corps.
Crédits photos : Ava Sol (Unsplash)
Les conférences de VRDays ont voulu mettre un coup de projecteur sur la SexTech. Sujet peu abordé, elle questionne pourtant des problématiques élémentaires : notre corps, notre genre, notre couple, nos attirances, notre orientation. Bien plus que du plaisir, la SexTech donne à se découvrir et à se comprendre soi-même.
La SexTech a de multiples facettes qui prennent la forme de robots ou de poupées. La réalité virtuelle n’en est pas en reste et va bien au-delà des vidéos pornographiques avec un casque vissé sur la tête. La révolution techno-sexuelle a des ambitions plus grandes : découvrir son corps et celui de l’autre, comprendre ses désirs et ses fantasmes, communiquer au sein de son couple ; au final, se défaire de ce tabou ambient.
Quand la réalité virtuelle s’invite dans notre intimité
Pourquoi le sexe est si tabou ? Pourquoi a-t-on honte d’aller dans un sexshop ? Pourquoi rechigne-t-on à aller voir un sexologue ? Il est difficile de trouver une réponse à cette question. Beaucoup se donnent à dire que cela est dû aux nombreux héritages religieux. Mais quand ce tabou se plante au sein d’un couple, le problème peut devenir plus grand. Certaines personnes se freinent dans leur envie de nouveauté, par peur de la perception de l’autre. D’autres même ne savent pas ce qu’ils désirent ! Comment parvenir à améliorer la communication autour de la sexualité ?
La SexTech mêle les mots “sexe” et “technologie”. Selon la page Wikipédia (qui est peu remplie, symptomatique de ce tabou et ce manque d’informations sur le sujet), la SexTech regroupe “des technologies et des entreprises axées sur la technologie qui sont conçues pour améliorer, innover et bouleverser la sexualité et/ou l’expérience sexuelle de l’homme“. Quand on parle de SexTech, on pense notamment à des applications de rencontres ou de santé, des sextoys connectés, mais aussi de la réalité virtuelle et de plus en plus de l’intelligence artificielle associée à de la robotique.
Aujourd’hui, l’ambition des startups opérant dans la SexTech dépasse la simple expérience de plaisir. Elles cherchent l’interactivité, la communication, la compréhension. Philipp Fussenegger et Alexis Smith ont créé ensemble Kokeshi : une poupée en silicone dotée d’intelligence artificielle. C’est une expérience interactive, où le client se trouve dans un environnement privé et sécurisé, et peut parler et échanger avec Kokeshi qui est en mesure de lui répondre. Cette poupée aide à avoir un dialogue, à explorer son identité et ses désirs, le tout sans jugement, sans stigmatisation. À l’image de Kokeshi, la SexTech évoluent vers des outils qui ne servent pas seulement à pratiquer, mais aussi à apprendre, comprendre et mieux communiquer.
Découvrir, apprendre et comprendre le corps
Les experts venus à VRDays sont d’accord : la technologie permet d’explorer la sexualité d’une nouvelle façon. Pour Sam Ward, Directeur Médical à BHCT, l’usage de a technologie permet de faire tomber des barrières. La réalité virtuelle, et toutes les technologies immersives, fournissent un environnement sécurisé. Sans gêne et sans peur du jugement, les utilisateurs peuvent parler librement de leurs désirs et explorer leur sexualité. Plusieurs plateformes VR permettent de voyager vers de nouveaux horizons, comme VRChat, où l’on peut choisir d’incarner un avatar avec un genre différent. La réalité virtuelle est aussi un outil fabuleux pour les couples, améliorant la communication et le dialogue afin de retrouver la passion qui l’anime.
La SexTech permet de mieux comprendre l’autre et de mieux se comprendre soi-même. On peut se découvrir de nouveaux plaisirs, essayer des pratiques sexuelles que l’on n’osait pas faire auparavant, aborder des sujets avec son partenaire. Philipp Fussenegger et Alexis Smith prennent l’exemple d’un couple qui souhaite intégrer une troisième personne dans leur vie sexuelle. L’immersion dans un environnement parallèle, avec une tierce personne (sous la forme d’un avatar, d’un hologramme, d’un robot…), permet de valider son envie et de se poser les bonnes questions : est-ce que le couple ressentira de la jalousie ? Comment intégrer cette troisième personne dans leurs habitudes sexuelles ? Faut-il demander le consentement de son/sa partenaire pendant l’acte ? De la même manière, une seule personne peut essayer de comprendre si elle a de nouveaux désirs, si elle n’est pas sûre de son orientation sexuelle, etc.
La SexTech va donc bien au-delà de la pratique sexuelle. Carine de Potter, co-fondatrice de Moodify Asbl, est persuadée que les technologies sont une opportunité pour éduquer. “La réalité virtuelle aide à être un meilleur amant, un meilleur partenaire et une meilleure personne.” La SexTech a donc cette notion pédagogique. Selon la sexologue-psychologue Cathline Smoos, on peut apprendre sur la sexualité, briser les croyances, comprendre le corps de l’autre genre. La réalité virtuelle est aujourd’hui utilisée dans tous les secteurs pour apprendre et adopter un meilleur comportement. Pourquoi ne pas l’inclure dans la sexualité également ? Pour savoir comment mettre un préservatif, pour comprendre comment fonctionne l’anatomie féminine, pour intégrer des notions importantes comme le consentement, pour sensibiliser sur les addictions. Là est toute l’ambition de la sexualité 2.0.
Une sexualité 2.0 dans un monde en éternel changement
Avec la crise du COVID-19 et le confinement, la SexTech sest avérée bien utile. C’est le constat que fait Justin Lehmiller, chercheur et blogueur. Il explique que le confinement a été une période de révolution sexuelle, où les gens ont cherché à avoir de la nouveauté dans leurs pratiques sexuelles et se sont davantage tournés vers la technologie. En effet, pendant le confinement, les couples ont été séparés, et il était également impossible de faire de nouvelles rencontres. Il a fallu trouvé des outils pour explorer la connexion de corps physiques à distance. La réalité virtuelle et l’immersion associée créent cette connexion profonde et intime entre deux personnes. Selon lui, “la VR permet la fusion du physique et du numérique“.
Evidemment, et comme souvent, l’usage de la technologie soulève des questionnements éthiques. Surtout lorsqu’elle s’invite dans l’intimité la plus profonde des personnes. Jusqu’où peut-on aller ? Lorsque l’on s’engage dans un sujet aussi complexe que la SexTech, il faut se poser quelques questions. Est-ce qu’engager une pratique sexuelle avec une autre personne sous la forme d’un avatar, cela veut dire que l’on trompe son/sa partenaire ? Quid de la majorité ? Peut-on autoriser des actes sexuels virtuels avec des mineurs ? La SexTech va continuer de faire couler beaucoup d’encre, et intéresse même l’industrie audiovisuelle à l’image d’un épisode de la célèbre série Black Mirror qui questionne très justement le rapport virtuel/réel.