Crédits photos : Lenovo
La réalité virtuelle s’impose aujourd’hui dans de nombreux secteurs, et l’éducation en fait partie. Le virtuel s’immisce progressivement dans les salles de classe. Les MOOC, ces cours interactifs disponibles sur le web et accessibles à tous, sont un bon complément au système scolaire classique. Il existe également de plus en plus de plateformes de e-learning qui mettent à disposition des cours et un suivi en ligne aux élèves. Ainsi, les contenus immersifs apparaissent comme des alternatives ludiques aux traditionnels cours magistraux. L’intégration de matériel VR/AR dans les salles de classe soulève toutefois des interrogations. Quelle place pour la réalité virtuelle dans l’éducation et l’enseignement ?
Vers une mutation du système éducatif ?
La réalité virtuelle et la réalité augmentée ont été mises en pratique dans le secteur de l’éducation depuis plusieurs années déjà. Selon une étude de Goldman Sachs en 2016, 700 millions de dollars seront investis dans des applications VR/AR dans le secteur de l’éducation d’ici 2025. C’est une étroite part comparée aux 5 milliards du domaine de la santé. Néanmoins, le développement est assez flagrant en Amérique du Nord et sur le continent asiatique. Aux Etats-Unis, 30% des usages de la réalité virtuelle par le grand public portent sur du contenu éducatif*. En France, il existe quelques cas et applications qui montrent un intérêt grandissant pour les contenus immersifs.
La réalité virtuelle et la réalité augmentée ont un potentiel pour l’enseignement. Le secteur VR/AR s’accorde pour affirmer que les techniques immersives permettent un apprentissage différent et complémentaire. L’immersive learning utilise le principe de la pédagogie active qui transforme l’étudiant passif en un acteur. Il se sent alors plus engagé dans sa formation et son attention aux cours devient plus forte.
Aujourd’hui, il existe plusieurs possibilités d’applications de la VR/AR dans le système scolaire. Les élèves peuvent être plongés dans une salle de classe entièrement virtuelle, ou bien utiliser des manuels scolaires en réalité augmentée en classe. La VR peut aussi être utilisée pour transporter dans un autre lieu : l’espace pour connaître le système solaire, une ville antique pour approfondir l’apprentissage de l’histoire. Les techniques immersives sont aussi un bon levier d’apprentissage pour les étudiants en formation professionnelle. Beaucoup de scénarios et de simulations ont été imaginées pour les habituer à un secteur d’activité.
Former les élèves à leur futur métier
L’usage de la réalité virtuelle dans l’éducation se développe davantage dans les filières professionnelles. Au même titre que les employés, les apprentis peuvent se former aux gestes professionnels. En étant plongés en immersion, ils peuvent apprendre et s’entraîner grâce à des simulations. L’utilisation de la réalité virtuelle et d’un environnement entièrement numérique permet de répéter une tâche à l’infini. Ainsi, les étudiants ont ainsi le droit à l’erreur et peuvent recommencer une tâche jusqu’à la mémoriser. La réalité virtuelle permet l’apprentissage par la mise en pratique. Avec cette méthode, les utilisateurs atteignent un taux de mémorisation de 75 à 90%, contre 5 à 10% pour un cours magistral traditionnel. Des solutions existent aujourd’hui pour mettre la réalité virtuelle à disposition dans les filières professionnalisantes.
Apprendre et reproduire les gestes professionnels
Pour aider les étudiants en vente et en commerce, la société sarthoise Dec Industrie a développé une solution en réalité virtuelle. Dans un CAVE, l’élève est plongé dans un environnement créé par ordinateur. Grâce à un casque, il se retrouve au milieu d’un magasin. Là, il peut se former à plusieurs scénarios disponibles pour parfaire les compétences qu’il apprend en entreprise. Sept exercices sont à disposition des étudiants dont la réalisation d’un inventaire, la mise en rayon et mise en valeur des produits, la réception et le contrôle de livraisons, la préparation d’une commande drive etc. À chaque fois, l’élève se place dans la peau d’un vendeur et reproduit des gestes professionnels applicables en entreprise.
Cette solution est un réel plus pour les étudiants. Elle leur permet de pratiquer le métier en dehors des périodes en entreprise. Elle est un bon complément à la formation traditionnelle et aux cours suivis en classe. D’autant plus que l’application a été conçue aux côtés d’experts pédagogiques pour répondre aux compétences du référentiel du Ministère de l’Education nationale. Les professeurs, eux, ont accès à des documents supplémentaires via l’application qui peuvent être intégrés à leurs cours théoriques, comme par exemple des rapports d’activité et des replays vidéos.
Intégrer la pratique dans une formation théorique
Lorsque l’on suit un parcours théorique et que l’on fait face à des concepts techniques, il est toujours difficile de se projeter. L’utilisation de la réalité virtuelle peut permettre d’améliorer la compréhension de notions complexes. Le programme VirtualiTeach a été initié il y a quelques années dans ce but-là. Directement soutenu par l’Etat, son objectif était d’introduire des simulateurs en réalité virtuelle dans les salles de classes. Le système a été installé dans quatre lycées de la région Pays de la Loire pour intégrer le programme des filière STI2D (Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable).
Avec ce programme, l’idée du laboratoire CLARTE était de placer l’élève en tant qu’acteur de la simulation et d’aller plus loin que la simple visualisation de données. Les applications conçues dans le cadre de ce programme ont pour but de faciliter la compréhension de phénomènes physiques complexes. La réalité virtuelle permet aux élèves de parcourir les matériaux, mais aussi de les ressentir grâce à la technologie du retour d’effort. Grâce à cette méthode active d’apprentissage par le ressenti, les étudiants peuvent mieux appréhender des concepts théoriques. Et l’efficacité du programme est reconnue. VirtualiTeach a été le premier projet de réalité virtuelle à être financé par l’Education nationale en France. Une preuve que les technologies immersives investissent peu à peu les programmes et les établissements scolaires. Très récemment, un outil de réalité virtuelle pour apprendre la soudure a été installé dans le nouvel atelier mécanique du CFA de Laval en Mayenne.
Un outil adapté pour l’apprentissage des sciences
La réalité virtuelle permet donc de se plonger dans un environnement apprenant 100% virtuel. Cela permet d’abord de comprendre plus facilement des phénomènes complexes. Ensuite, cela diminue voire efface entièrement les risques potentiels d’une simulation. Notamment dans le domaine des sciences et de la physique, où certaines expériences peuvent présenter un danger si elles sont mal conduites. La réalité virtuelle apparaît alors comme une solution pour pratiquer ces expérimentations en toute sécurité, mais aussi pour aborder des concepts complexes. Un certain nombre d’applications existent aujourd’hui pour accompagner les élèves dans l’apprentissage des sciences.
Réaliser des expériences de chimie en toute sécurité
L’Institut des Arts et Métiers de Laval a imaginé une application en réalité virtuelle qui immerge dans un laboratoire. Ce lieu étant entièrement virtuel, un élève peut faire des expériences chimiques sans risques de réaction dangereuse. Dactyléa aide à réaliser l’expérience du serpent du Pharaon qui nécessite de manipuler des produits potentiellement à risque. Ainsi, la réaliser dans un environnement digital permet d’effacer ces risques tout en montrant à l’élève le caractère dangereux des substances utilisées.
Une intelligence artificielle accompagne l’élève dans la réalisation de l’expérience en le guidant étape par étape. À la fin, l’exercice est noté ; cela permet à l’élève de voir s’il a bien réussi son expérience ou non. Selon ses résultats, il peut donc recommencer l’expérience à l’infini, jusqu’à obtenir une note satisfaisante et se sentir en confiance. Cette application prépare ainsi l’élève qui peut plus facilement faire l’expérience en réel par la suite et ainsi minimiser les risques.
Faire comprendre aux plus jeunes l’univers des sciences
Le monde des sciences est complexe, et la réalité virtuelle peut aider à aborder ses notions. Dans cette perspective, Mel Chemistry a préparé un programme de leçon en réalité virtuelle allant de la maternelle à la Terminale. Les leçons permettent d’aborder et comprendre des éléments qui peuvent paraître assez conceptuels comme les atomes et les molécules. La réalité virtuelle permet aux élèves d’interagir avec les objets numériques, et ainsi mieux comprendre la composition des éléments chimiques.
Ces leçons en VR peuvent facilement s’intégrer au programme scolaire et être utilisés par les professeurs. Durant une leçon, qui dure entre 3 et 7 minutes, le professeur dispose d’une tablette. Il peut alors contrôler le déroulement du cours en mettant en pause et superviser le niveau de chaque élève. Il peut aussi continuer à parler et faire sa classe normalement. Les élèves pourront écouter leur professeur en regardant les images véhiculées dans le casque VR. C’est donc un réel support pédagogique qui est un complément ludique aux cours traditionnels.
La réalité virtuelle pour tous ?
Les usages de la réalité virtuelle dans l’éducation ont tendance à se développer car ses bénéfices sont reconnus dans le secteur VR/AR. La technologie se révèle être un très bon outil pour les filières professionnelles. Certaines formations n’hésitent donc pas à l’intégrer dans les cursus pour former les étudiants à leur futur métier. Mais l’utilisation de contenus immersifs dans les salles de classe n’est pas encore systématique, notamment en France. Pourtant, ailleurs dans le monde, les enseignants ne sont pas imperméables face à l’utilisation de la réalité virtuelle dans leurs cours.
Le potentiel pédagogique de la réalité virtuelle
Au Québec, un réseau de conseillers pédagogiques a imaginé tout un parcours de formation autour de la réalité virtuelle. Il vise à montrer comment la technologie peut être utilisée dans le cadre de leçons d’histoire et géographie. Plusieurs enseignants des cycles primaire et secondaire ont intégré la VR au sein de leur salle de classe. Le programme est complet, il met même à disposition des fiches pédagogiques et des exercices pour les élèves. Il explique comment des applications comme Google Street View ou Expéditions peuvent permettre aux élèves d’approfondir leurs connaissances historiques et géographiques en explorant directement les lieux via la VR.
Une expérience du même genre a été conduite dans un collège de Baltimore aux Etats-Unis. Les élèves ont utilisé le kit Lenovo VR Classroom pour se projeter dans d’autres endroits du globe. La réalité virtuelle est notamment utilisée par un professeur de sciences pour explorer le corps humain, et par un professeur de technologie pour parcourir l’espace et découvrir les planètes. Selon eux, l’expérience a été efficace sur les élèves. Ils ont mieux appris grâce au jeu et à l’émerveillement de se téléporter dans un autre univers.
La clé pour adapter la réalité virtuelle et ses usages
La réalité virtuelle a donc de nombreux potentiels pour l’éducation, et plusieurs modules sont intégrés dans le programme scolaire d’écoles du monde entier. Mais l’intégration des nouvelles technologies telles que les techniques immersives soulèvent plusieurs problématiques. Avant tout, peut-on exposer les enfants aux nouvelles technologies ? En effet, on limite l’utilisation de la réalité virtuelle à un âge minimum de 13 ans. L’usage prolongée de la VR peut provoquer des désorientations, des nausées et une fatigue oculaire. Aujourd’hui, il n’existe pas de casque adapté pour le jeune public et à vocation purement pédagogique.
Une des limites de la diffusion de la réalité virtuelle dans les salles de classe concerne le coût. Le déploiement des techniques immersives nécessite encore un investissement important. Tous les établissements ne peuvent pas se procurer un simulateur ou du matériel VR/AR. Néanmoins, la démocratisation est en marche, et plusieurs solutions existent pour avoir accès à du contenu immersif. Aujourd’hui, la simple utilisation d’une tablette suffit pour faire apparaître des éléments en réalité augmentée. On peut aussi facilement se procurer un casque VR avec très peu de moyens ; l’exemple du Google Cardboard étant le plus notable. Le développement de plateforme de contenus VR/AR participe aussi à l’amélioration de l’accès aux techniques immersives pour le plus grand nombre. Un grand nombre d’applications VR/AR sont disponibles sur l’App Store et le Play Store et utilisables sur un smartphone.
*(source : Parks Associates; Statista, 2019)