Le 13 juin dernier, Carine de Potter de Moodify et Zoubir Sefsaf de Livescope avaient réuni à Bruxelles les professionnels de la Santé de toute la Belgique pour parler réalité virtuelle lors des rencontres “Catalyse”.
Ainsi, cette initiative – soutenue par Stereopsia et Hub.Brussels – a réuni une cinquantaine de professionnels de la Santé. Pendant cette soirée, une dizaine de praticiens a réalisé un retour d’expériences très varié et très riche auprès de l’assemblée.
Ce fut l’occasion d’avoir une vision terrain de leur expérience VR/AR. J’ai eu le plaisir d’être invité en speaker pour Laval Virtual : retour sur ce que j’ai retenu de ce Summit et sur les cas d’usages que j’ai présentés pour le secteur de la santé.
Le patient : au coeur de l’intérêt des professionnels immergés
De toute évidence, en réalité virtuelle, le déploiement et le succès des projets dans le domaine de la santé naissent – avant toute chose – de l’enthousiasme de professionnels passionnés.
En effet, tous les professionnels rencontrés à LiveScope pour les rencontres catalyse sont convaincus que les technologies immersives sont un outil complémentaire dans leur pratique de santé au quotidien.
Cependant ils ont tous raison de placer le bien-être de leurs patients au centre de leur projet VR.
C’est pourquoi ils positionnent la réalité virtuelle ou augmentée comme un atout thérapeutique. Ainsi, l’exercice n’est pas techno-centré mais avant tout humain.
La VR pour traiter le stress, les phobies et les douleurs
C’est par exemple ce qu’utilise Alexandre Bégué, directeur et cofondateur de Relaxmind qui intègre la réalité virtuelle pour réduire le stress, les angoisses et les douleurs de ses patients à la clinique du Lambermont.
Ainsi, sa pratique lui permet d’obtenir des résultats satisfaisants. Il offre la possibilité à ses patients de se recentrer sur eux-mêmes, se détendre, reprendre le contrôle et se ressourcer. Le tout avec un accompagnement constant du thérapeute. Des techniques longuement éprouvées dans le traitement des phobies par les équipes du Pr. Lançon au sein du CHU de Marseille par exemple.
La VR également utilisée en Mayenne pour réduire la douleur
Une pratique bien connue à Laval grâce à l’impulsion de Mélanie Perron pour le projet BLISS. Il s’agit une application de réalité virtuelle à visée analgésique et apaisante, développée par l’Effet Papillon, une entreprise high-tech basée en Mayenne. Une solution à la fois utilisée pour réduire le stress chez les patients mais également pour les équipes médicales. Lorsque cette pratique est couplée à l’hypnose comme avec HypnoVR pour réduire le niveau de douleur et de stress un des cas d’usages que j’ai pu présenter lors de cette soirée, la réduction de médicaments dans le soulagement de la douleur est avéré.
La VR pour gérer la douleur chronique
Pour le Dr Bernard Vanderick, Anesthésiste au sein de la Clinique Ste-Anne-St-Remi de Bruxelles, l’apport de la VR dans le traitement de la douleur chronique n’est plus à démontrer.
Le Dr. Vanderick, illustre cette expérimentation lors des rencontres catalyse par le cas d’une patiente qui souffre de manière chronique depuis toujours et voit un effet d’atténuation de la douleur lors de l’utilisation de la VR. Comment cela fonctionne-il ?
Plus on pense qu’on a mal, plus on souffre, la VR peut aider à réduire la douleur de 35 à 50%
En effet, plus on pense qu’on a mal, plus on souffre. Là est précisément tout l’intérêt de la réalité virtuelle. Il y a quelques années, des scientifiques américains ont ainsi diminué de 35 à 50% la douleur ressentie par des grands brûlés à l’aide de la VR. Quant à la réalité augmentée, des spécialistes suédois et slovènes de la réhabilitation ont montré récemment qu’elle pouvait réduire de moitié les douleurs liées aux membres fantômes de personnes amputées.
Des images obtenues par IRM (imagerie par résonance magnétique) ont montré que la réalité virtuelle agit sur l’activité de différentes régions impliquées dans la gestion des émotions et le contrôle de la douleur. Parallèlement, son usage s’est étendu à d’autres applications.
La réalité virtuelle a, ainsi, été expérimentée pour les douleurs liées aux soins dentaires, à divers gestes chirurgicaux ou médicaux (endoscopie, ponctions, transfusion), et même, fin 2016, en salle d’accouchement.
Une technologie qui a fait ses preuves sur les grands brûlés
A l’université de Washington, Hunter Hoffman s’intéresse depuis longtemps aux bénéfices de la réalité virtuelle dans le traitement de la douleur. Son laboratoire a ainsi développé, à la fin des années 1990, le programme de réalité virtuelle SnowWorld, pour éviter aux grands brûlés de souffrir le martyr lorsque leurs plaies doivent être rouvertes pour mieux être traitées.
Une fois leur casque de réalité virtuelle enfilé, ils sont plongés dans un univers enneigé où ils doivent lancer des boules de neige sur des igloos, pingouins et autres bonhommes de neige. Et dès 2000, les résultats préliminaires, publiés dans la revue scientifique “Pain” et portant sur deux jeunes brûlés, sont encourageants, l’immersion dans la réalité virtuelle se montrant plus efficace que les médicaments habituels. Depuis, cette efficacité a été confirmée par nombre d’études.
La VR au coeur d’un Serious Game thérapeutique
R.O.G.E.R. est un Serious Game thérapeutique développé par des chercheurs et neuropsychologues des hôpitaux Erasmus (ULB), Fishing Cactus, Aepodia et Multitel.
L’objectif central du projet est de développer des environnements de réalité virtuelle.
Le logiciel et sa plate-forme présentés par Sébastien Serlet, chercheur, entrepreneur et neuropsychologue, permettent aux personnes atteintes de troubles cognitifs d’interagir dans un environnement virtuel immersif, engageant et réaliste.
Plus de 300 objets familiers réunis au sein d’une maison virtuelle
Dans l’environnement d’une maison virtuelle, l’utilisateur va “jouer” des scénarios, proches des activités de la vie quotidienne. Ces situations sont des scénarios créés et établis par des professionnels de la cognition (neuroscientifiques, thérapeutes) à l’aide d’un éditeur de scénarios ergonomique (utilisation et programmation simplifiée). Le tout, en restant au plus près de la réalité du cabinet (cliniques ou centres de recherche). Le logiciel permet également de rester proche de la réalité du patient, de son environnement et de ses activités quotidiennes.
En neuropsychologie, ces activités sont qualifiées d’écologiques”.
La réalité virtuelle présente plusieurs avantages. D’une part, le patient augmente la qualité de son expérience (immersion), ce qui favorise son implication et les données recueillies sont plus fiables.
D’autre part, l’immersion permet de paramétrer complètement les situations en fonction des particularités de chaque patient (pour rendre l’expérience attractive). Enfin, contrairement à une situation impliquant des interactions avec des objets réels, toutes les informations collectées peuvent être sauvegardées pour une analyse ultérieure (BigData et IA).
Quel R.O.I. pour lancer un projet VR/AR en Santé ?
Quel Retour sur Investissement (R.O.I) lorsque vous pilotez un projet de VR en Santé ? C’est la question abordée par Dimitri Pirnay, co-fondateur et Managing Partner de One Bonsaï VR et également speaker lors des dernières conférences santé de Laval Virtual.
OneBonsai est un fournisseur de solutions de réalité virtuelle et augmentée pour les entreprises. Cet acteur est impliqué dans des projets de santé comme la modélisation par exemple, de blocs opératoires en VR. Il est évident, dans ce process, que la VR a son rôle à jouer dans la validation des process et dans la qualité des livrables.
Comme expliqué lors par Dimitri Pirnay : “Nous concevons des environnements virtuels interactifs et créons des vidéos 360° pour les plates-formes les plus courantes, notamment HTC Vive, Oculus, Gear VR, Web VR et Playstation VR. Nous proposons également des solutions en environnement 3D ou en intégration avec des interfaces et dispositifs haptiques ou tactiles. Lancer un projet en VR, permet de valider plus rapidement les projets.”
Ce n’est plus vraiment le ROI d’un projet VR/AR qui se pose mais le surcoût d’un projet sans VR/AR
La question n’est plus “quel est le ROI pour un projet VR/AR ?” Mais plutôt “quel sera le coût du projet si je ne passe pas à la VR/AR” souligne Dimitri. La logique de l’entreprise est : la VR/AR peut être utile pour tout ce qui est “grand, dangereux ou couteux”. Il va de soi que c’est particulièrement adapté pour les métiers de la santé.
À l’avenir Dimitri voit un potentiel d’usages élevé dans la formation, notamment pour les experts paramédicaux.
Toute une équipe médicale à bord du projet VR
11 services utilisateurs de la VR à la Clinique Saint-Jean de Bruxelles
Le Dr. Arnaud Bosteels est le Responsable du Service d’Anesthésie de la Clinique Saint-Jean de Bruxelles. Il témoigne des efforts à déployer pour développer un service de VR au sein du milieu hospitalier. Le Dr. Bosteels est plus que convaincu des bénéfices avérés de la VR dans sa spécialité. Aussi, Il a monté tout un projet pour une unité VR au sein de son établissement. Convaincre le management, trouver des référents formateurs par spécialité, impliquer les infirmières et tous les praticiens…
Un projet qui peut prendre du temps, tant dans l’animation que dans l’intégration de nouvelles pratiques. Mais là encore des bénéfices de réduction de la douleur pour les patients.
La VR largement déployée
A la Clinique Saint-Jean, la réalité virtuelle est utilisée pour : diminuer l’anxiété et le stress avant et/ou après une intervention.
La VR est également conseillée comme sédation pendant une intervention ou enfin pour diminuer la douleur pendant un accouchement. Voici la liste des services où la VR est actuellement utilisée pour l’établissement :
- Bloc d’accouchement
- Clinique du sein
- Dialyse
- Gériatrie
- Hôpital du jour médical
- Médecine physique
- Pédiatrie
- Quartier opératoire
- Radiologie
- Radiothérapie
- Urologie
Comme indiqué dernièrement dans l’article “la VR entre au cursus d’orthopédie du CHU“, la VR fait enfin son entrée officielle dans le cursus des CHU. Comme à l’hôpital Saint-Georges en Angleterre, un point positif et valorisant dans le curriculum des praticiens évangélistes de la VR.
Intégrer la VR dans la formation orthopédique
Jeroen Dille CEO de la société DEO, a présenté les avancées de sa société en matière d’organisation des blocs opératoires. Il a montré comment la réalité virtuelle est utilisée dans la cadre de la formation continue des praticiens hospitaliers.
DEO est une société de technologie de la santé, fondée en 2018. DEO permet à la communauté orthopédique de traiter plus de patients. Ceci avec le souci de maîtriser les coûts et de maintenir une qualité de soins optimale. Un projet possible en “optimisant chaque étape du processus de traitement, y compris le processus péri-opératoire et la chaîne d’approvisionnement des implants” a-t-il précisé.
Grâce à son offre, DEO vise à optimiser l’efficacité dans les établissements en termes de temps opératoire, de personnel, de stérilisation des plateaux, d’anesthésiologie, d’ergonomie, d’inventaire et de logistique.
Dans son offre, DEO propose une plate-forme de formation en VR qui entre dans le cadre de la formation continue des praticiens.
Intervenir au coeur de votre cerveau avec la réalité augmentée
Si le Dr Frederick Van Gestel, PhD chercheur en neurochirurgie (UZ Brussel), présente avec malice un rêve de petit garçon : Avoir des super pouvoirs” et voir sous les vêtements, un rêve qui permettrait aussi aux médecins de voir à travers le corps de leurs patients.
Il montre avec les plus grand sérieux les travaux de neuronavigation conduits à UZ Brussels, sous la direction du Dr. Duerinck.
En effet, la neuronavigation a révolutionné la pratique de la neurochirurgie, mais elle n’est pas sans limites. La réalité augmentée a le potentiel de résoudre de nombreux problèmes avec les formes actuelles de neuronavigation en rendant la procédure de navigation plus visuelle et intuitive.
Dans le cadre d’une collaboration entre les départements d’informatique et d’ingénierie de la VUB et les départements cliniques de neurochirurgie et de chirurgie orthopédique de l’Uz Brussel, l’équipe médicale a mis en place un projet appelé SARA (Surgical Augmented Reality-Assistance).
Microsoft Hololens sera utilisé pendant les chirurgies réelles.
Cette solution fournit au chirurgien des informations anatomiques sur le patient qu’il opère, ainsi que des informations de planification supplémentaires utiles telles que les angles, trajectoires, nécessaires aux opérations.
Cette appli a largement dépassé le stade de POC (proof of concept). En effet, l’équipe l’a fait évoluer vers un système avec lequel ils effectuent une étude de validation clinique dans un contexte chirurgical réel.
Un vrai potentiel en milieu clinique
“Cela signifie que nous utiliserons l’appareil et le logiciel propriétaire pendant les chirurgies réelles et que nous le comparerons avec la précision de navigation actuelle” indique le Dr. Van Gestel. “Actuellement, nous avons une précision moyenne de 1,4 mm, mais avec les développements en cours dans l’enregistrement et le suivi, nous allons nous éloigner de l’enregistrement manuel et de la cartographie spatiale pour améliorer encore plus cette précision.”
Les interventions chirurgicales plus complexes peuvent être réalisées sous un contrôle visuel direct de toute l’anatomie pertinente.
La Réalité Augmentée impliquera un changement radical dans la façon dont la neurochirurgie est pratiquée. Ainsi, des interventions simples qui sont souvent effectuées à main levée, mais qui présentent un risque important d’erreur (comme la mise en place d’un drain), mais aussi des interventions chirurgicales plus complexes peuvent être réalisées sous un contrôle visuel direct de toute l’anatomie pertinente.
D’autres travaux sont en cours dans notre laboratoire afin d’optimiser la qualité d’enregistrement et les algorithmes pour obtenir un suivi plus précis du sujet.
Également, une utilisation récente de la réalité augmentée en formation également à découvrir dans l’article “se former aux biopsies en réalité augmentée“.
Consolider le cadre légal de l’utilisation de la VR/AR en santé
A l’instar du cabinet Bensoussan, expert intervenant sur les sujets juridiques et éthiques de la réalité virtuelle en collaboration avec Laval Virtual, c’est Maître Pierre-François Van Den Driesche, avocat au sein du cabinet Oak Law firm de Bruxelles, professeur de droit de l’entreprise et chercheur en droit économique qui intervenait sur le cadre légal naissant des technologies immersives.
Le cabinet OAK est le fruit de l’association d’avocats désireux de combiner leurs expériences – au sein du Barreau, de l’entreprise, de la banque, du monde académique – pour offrir un service multidisciplinaire de conseil et d’assistance juridique, avant tout aux entrepreneurs.
Ainsi, Maître Van Den Driesche a analysé les piliers à consolider à partir de la réglementation actuelle pour construire le cadre juridique de la santé en VR.
Prendre en compte le principe de précaution et le respect de la vie privée
Le premier pilier porte sur la dimension éthique : il est nécessaire de prendre en compte le principe de précaution et le respect de la vie privée en postulat de droit fondamental. S’en suivent des questions sur la responsabilité, à la fois des sociétés développant des produits VR/AR utilisés dans la pratique médicale, mais aussi l’aspect réglementaire de la mise sur le marché des produits VR/AR en santé. Enfin, l’expert juridique a évoqué les problématiques de propriétés intellectuelles des pratiques médicales et avancées santé dans les environnements VR/AR.
Un exposé particulièrement intéressant lors des rencontres catalyse compte tenu du contexte GRPD, renforcé sur les questions de protection des données liées aux patients.
Au sujet de Livescope : Livescope est un Centre de Réalité Virtuelle situé dans la mythique Maison de la Radio, place de Flagey à Bruxelles. C’est le lieu idéal pour découvrir à titre personnel ou professionnellement la réalité virtuelle et la réalité augmentée et organiser en Belgique des évènements sur cette thématique
Crédit photos : atilaltas@gmail.com et Nicolas Ribeyre